La gazette piétrolaise

A Petra di Verde, u nostru paese

Le village et ses alentours

Aux limites sud de la “Castagniccia”, Pietra-di-Verde est admirablement situé à flanc de montagne, sur le versant ensoleillé, “a sulìa”, au confluent de deux vallées, Acqua d’Orsu et U Cavu.  Il est entouré de crêtes au nord, à l’ouest et au sud.  A l’est, il s’ouvre, par une trouée, sur la côte orientale de la Corse, la mer tyrrhénienne et l’île de Monte Cristu.  Le seul village que l’on voit de Pietra, c’est Chiatra.  Les autres villages de l’ancien canton de Verde, Canale, Linguizzetta, Tox et Campi s’étagent sur les flancs de l’ample montagne Sant’Appianu, les trois premiers dominant la plaine.

Au 17è siècle, deux hameaux, “A Petra” et “U Muntichju”, constituaient à peine un embryon de village voué essentiellement à l’élevage.  La “Coltivatione”, mise en valeur décidée par Gènes au cours des années 1630-50, permit à Pietra de se doter d’une riche châtaigneraie.  Ainsi le village devint prépondérant dans l’ancienne pieve de Verde et fut ensuite le chef-lieu du canton du même nom.  Les deux premiers hameaux s’agrandirent et, entre les deux, un troisième hameau, “U Muchju”, se constitua.


La châtaigneraie, un tournant dans l’économie

À partir de cette époque, la vie de Pietra, comme des autres villages de la “Castagniccia”, s’est organisée en vue de l’exploitation de la châtaigneraie.  En aval du confluent des deux rivières, on a compté jusqu’à cinq moulins à châtaignes, aliment de base de la population.

L’architecture elle-même portait encore, au milieu du 20 è siècle, la marque de ce qu’avait été l’économie passée:  maisons dotées de séchoirs à châtaignes, installés au dernier étage, au-dessus de la salle commune qui comportait, en son centre, “U Focone” (âtre mobile, carré, en terre, reposant sur un bâti en bois de châtaignier muni de quatre pieds), foyer unique où l’on cuisait les aliments et dont la fumée s’évacuait par les claies du séchoir.  C’était le lot de toutes les maisons, exception faite de quelques belles demeures dont les propriétaires avaient fait construire, à proximité, des bâtiments destinés exclusivement aux séchoirs.

Les châtaignes amenèrent une opulence certaine.  En témoignent encore de nos jours la belle église baroque édifiée au début du 18è siècle, la chapelle attenante de Saint Michel (que l’on appelle couramment Santa Croce) et le très beau clocher.

On sait qu’en Corse l’essor du baroque a été particulièrement important en “Castagniccia” et en Balagne, les pays du châtaignier et de l’olivier.  Combien de “baccini” de châtaignes ou d’olives a-t-il fallu, pour financer la construction des églises?  Voilà une question à laquelle il convient d’apporter une réponse pour qui veut pénétrer plus en profondeur dans la vie passée de nos villages.

Une autre question mériterait d’être abordée:  qui sont ceux qui ont mené à bien la “Coltivatione” et, par voie de conséquence la construction, des églises à la fin du 17è et au 18è siècle?  La mise en valeur a-t-elle pu se faire uniquement sous la férule génoise?  On peut supposer qu’une entreprise d’une telle envergure a nécessité l’approbation d’au moins une partie de la population.  Mais quelle population?  Les anciens habitants, essentiellement des éleveurs de bétail?  Ou bien des populations nouvelles, des “colons” génois venus dans le sillage des commissaires de la Sérénissime?

Entre les deux guerres, la châtaigneraie a été presque entièrement détruite.  Les propriétaires ont vendu leurs arbres, achetés par des industriels pour en extraire du tanin.  Le bois du châtaignier, qui a servi pendant des siècles à tous les usages domestiques du berceau à la tombe, est ainsi vulgairement devenu “a legna di tinta”.

Au cours des années 40, de guerre et de restrictions, les châtaigniers, qui avaient échappé aux haches, sont redevenus, pour une courte période, les légendaires “arbres à pain”.  Depuis lors, à la maladie de l’encre a succédé le désintérêt.  Pour l’essentiel, les châtaignes qui tombent engraissent quelques animaux domestiques et surtout des sangliers.  Mais il y a encore des amateurs de polenta, pilluli, nicci et fritelle et quelques producteurs de farine.


Au centre d’une région montagneuse très pittoresque

À notre époque caractérisée par les transports automobiles, on a coutume de situer Pietra par rapport à la plaine orientale ou encore à Bastia.  On dit ainsi que le village est à 14 km de la route nationale 198 qui longe la côte orientale de la Corse et à 73 km de Bastia.  Il est vrai que la route qui le relie à la vallée d’Alesani et aux autres vallées de la Castagniccia n’a été ouverte que vers la fin des années 50 du siècle dernier et qu’il en est de même pour celle de Matra à Pianellu, qui, via le Boziu, conduit à Corte.

Depuis lors, ces nouvelles routes placent Pietra au centre d’une région montagneuse très pittoresque qui mérite d’être mieux connue.

Si les vallées d’Alesani, Orezza, Ampugnani sont largement fréquentées par les touristes, il en va autrement de la route, qui par Moita, Matra, Pianellu et le Boziu, mène de Pietra à Corte et grimpe par endroits à 900 mètres et plus d’altitude.  Et pourtant de là-haut la vue s’étend, à l’est, sur la côte orientale, à l’ouest et au sud sur la chaîne de montagnes qui coupe la Corse en deux, de la Paglia d’Orba et du Cintu à l’Incudine; de là-haut, comme de nulle part ailleurs, on voit Corte, la cité qui se cache au confluent de ses deux vallées ; on assiste à de splendides aurores sur la mer Tyrrhénienne et à de fabuleux couchers de soleil sur les hautes montagnes du Vénacais, du Cortenais et du Niolu.  Et toutes ces merveilles, insoupçonnées, sont à moins d’une heure de voiture de Pietra.

Ne dédaignons pas, cependant, les belles promenades que l’on peut faire à pieds vers Alesani, Mont’Altu, Sant’Appianu.  Elles suivent la route qui domine la vallée de Bussu (autre nom du fleuve Alesani pour son cours supérieur) ou bien les vieux sentiers des muletiers et des bergers, que les chasseurs entretiennent encore.  On y découvre de vieilles chapelles, souvent en ruines, et quelques vestiges d’une abbaye bénédictine, qui ont attiré tant de pèlerins au cours des siècles.  Les vallées amples ou encaissées, jadis plantées de châtaigniers, voient de nos jours pousser aulnes, frênes, charmes, chênes et yeuses.  Grâce à eux Pietra et ses environs méritent encore leur nom ancestral de “Verde”.