La gazette piétrolaise
A Petra di Verde, u nostru paese
Piezza à l’olmu
Più d’un seculu fa, a strada chi pertìa da Alistru é ghjunta à A Petra. À listess’epica, Perdullacci hanu apertu A Traversa da U paisolu à U Muntichju, dendu à A Petra un novu aspettu, chi é sempre quellu d’oghie. A strada e A Traversa so state una campa pè U Muntichju: botteari, caffiteri, panatere ci hanu apertu i so cummerci e hanu attiratu a ghjente.
In più, à U Muntichju, di punt’à u mare, c’era “Piezza à l’Olmu”; c’era l’ombra e c’era u marinu!
In piezza à a chjesa c’era ghjente pe e feste, pè e dumeniche e per l’interri, in l’altre piezze, ghjente di u vicinatu, in “Piezza à l’Olmu" ùn c’eranu solu i Muntichjesi, ci venianu tutti i Perdullacci.
Una panculella in cimentu, fatta da Mertinu, u maestru di muru di A Petra, avvinghjava u fustu di l’olmone. Ci si posava e ci si chjachjerava ore sane. À le volte si parlava ancu di cosi serie, più a spessu di roba di poca ciccia. Si dicìa chi l’olmu e a so panculella eranu stati fatti per sente, di preferenza, critiche, zingate, spropositi, sbacca e fume. E ancu qualchi bugiuccia.
Venutu novembre, l’eria ghjalata chi falava da Mont’Altu viotava a piezza. Ma toccu merzu, à u più fattu San Ghjiseppu, ecculi tutti, vechji e zitelli intornu à l’olmu! A mane, l’omi; subitu passatu meziornu, i giovani, senza rispettu per quelli chi si fecìanu a so sonnata dopu pranzu; a sera era u pass’e u veni, di quelli chi spassighjavanu, chi si tiravanu dui passi sin’à I Temponi. E chjachjerate nantu à a panculella prima d’andassine à fa cena.
Accadìa dinò chi qualchi traculinu ghjunghjissi in paese, à stallassi in “Piezza à l’Olmu" cun tutta a so mercanzia: stofe, stuvigli di cucina, spazzole e spazzulette, eccetera, eccetera, tutta roba chi un si trovava induve i botteari. Tandu eranu e donne di casa chi “occupavanu” à piezza, pronte à négozià incu u traculinu.
“Piezza à l’Olmu” durò cusì fin’à mezu vintesimu seculu, quandu l’erburone cuminciò à andà di male, chi una mercia color di sangue si messe à falà, pagna, longu e so ghjembe. L’olmone era malatu. Ci volse à tagliallu, à sbarazzassi di a panculella di Mertinu. Cusì é finita l’epica di “Piezza à l’Olmu” e più di cinquant’anni di vita di A Petra. Ma c’é ghjente chi s’arricorda sempre e chi vene à posà e à chjachjerà nantu u novu muru ch’ell’hanu fattu… in piezza à a funtana.
Piezza à l'olmu
Au début du vingtième siècle, l’arrivée de la route carrossable d’Alistru à Arcarotta et la construction de la Traverse reliant ses trois hameaux ont donné à Pietra son nouvel aspect, qui depuis lors n’a guère changé. Le Muntichju, où convergèrent la route et la Traverse, devint en quelque sorte le centre le plus animé du village. C’est là que se sont installés les principaux commerces, épiceries et débits de boisson, ainsi que trois boulangères, attirant la majeure partie des habitants. C’est là que se situait, face à la mer, la principale place du village: “Piezza à l’olmu”. L’ombre généreuse de son orme et la brise marine, “u marinu”, étaient ses principaux atouts. Alors que “Piezza à a ghjesa” ne s’animait vraiment que le dimanche matin, à l’heure de la messe, des fêtes et des enterrements, et que les autres petites places des hameaux n'étaient fréquentées que des gens du voisinage, “Piezza à l’omu”, au-dela des "habitués", connaissait, tous les jours, une grande affluence, et pas seulement de muntichjesi. C'était le forum des Piétrolais.
Autour du tronc de l’orme gigantesque, on avait construit un banc en béton armé, “a panculella”. Chaque matin, autour de l’arbre et de son banc, se formaient et se défaisaient des petits groupes de gens qui passaient des heures… à parler; à tenir, parfois, des conversations sérieuses, mais le plus souvent à parler de tout et de rien. Leurs propos portaient rarement à conséquence et l’on disait de “Piezza à l’olmu” et de sa “panculella” qu’elles étaient surtout là pour entendre, à longueur de jours et de mois, leur lot de moqueries, de vantardises, de plaisanteries et de mensonges plus ou moins anodins.
Pendant l'hiver, l'air froid poussé par le vent descendant de Mont'Altu vidait littéralement "Piezza à l'olmu", mais sa fréquentation et l'animation reprenaient leurs droits dès les premiers rayons du printemps et redoublaient l'été avec l'arrivée des coloniaux.
Toutes les générations se plaisaient sur cette place. Les matinées y étaient plus particulièrement réservées aux gens âgés et aux adultes, les premières heures de l'après midi, aux jeunes et aux adolescents, lesquels par leurs jeux bruyants indisposaient régulièrement les tenants invétérés de la sieste. Vers la fin de l'après midi, ceux qui y venaient se regroupaient à trois ou quatre “per tirassi dui passi” (se promener) sur la Traverse ou vers les "temponi".
Plusieurs fois par an, venait s'y installer pour quelques heures un marchand ambulant grec de Cervioni, Zefiru Paraskevopoulos. Il étalait un grand drap sur lequel il disposait du linge, des ustensiles de cuisine et toutes sortes de marchandises de bazar, dont les marchands du village ne faisaient pas commerce. Ces jours-là, les hommes se tenaient à l'écart et "Piezza à l'olmu" était laissée aux femmes et à leurs emplettes.
Ainsi vivait et se perpétua "Piezza à l'olmu" jusque pendant les années quarante du siècle dernier. L'arbre donna alors des signes inquiétants. Un épais liquide marron commença à couler le long de ses branches. Le vieil orme était malade. Ses jours étaient comptés. Beaucoup de villageois étant partis dès la fin de la guerre, de moins en moins nombreux étaient ceux qui venaient rechercher son ombre déclinante, sa "panculella" de béton et les joies simples des conversations d’antan. Il fallu se résoudre à couper l'orme, à détruire "a panculella", à faire place nette.
Il n'empêche! Pendant plus d'un demi-siècle "Piezza à l'olmu" a tenu son rang. Quelques vieux Piétrolais s'en souviennent et le manifestent en venant encore passer quelques moments sur ces lieux de notre mémoire commune.