La gazette piétrolaise

A Petra di Verde, u nostru paese

A veghja in pieghja

Quand’elli falavanu à zappà e vigne in pieghja e cumudità eranu poche:  casette e pagliacce.  In casetta di qualchi sgiò, un lettu più o menu assestatu.  Ma quella ghjente, chi straziava tantu, supportava a so sorte, si cuntentava di pocu ed era alegra.  Finitu a ghjornata, dopu cena, tutte e sere si fecìanu una veghja.

Venìanu in parechji da l’altre casette, si mettìanu davanti à u focu, fumendu a pippa o scicchendu e stupendu in la cendera.  A più perte si stavanu muti tutta a serata, aspettendu l’ora di stende a pagliaccia.  Ma c’era sempre qualchi chjachjerutu capace di parlà ore sane.

In casetta di Babbone e veghje si sò sempre fatte.  À ellu unn era a fatica chi u scumudava:  forca ùn ne toccava più ch’eranu anni.  Potata ch’ell’era a vigna, e so ghjornate e si passava à caccia.  E levre o e pernici ch’ellu tombava eranu tanti tiani, bunissimi, per quelli chi zappavanu.  E tutti si ne lodavanu:  “incù francescu si manghja!”  

A ghjente venìa vulenteri a veghja induve Babbone:  in tavula, c’era vinu e acquavita à chi ne vulìa...  Un vechjettu chi stava in una casetta appena più in ghjo, falendu versu u fiume, affaccava tutte e sere; ma ùn venìa micca per sbeiccià.  Quellu bastava ch’ellu parlassi!  È bella semplice, tempu ch’ellu ghjunghjìa pigliava a parulla e ùn la cappiava più.  Sapìa contà fole e stalvatoghji, mettenduci spiritu e malizia.

Tutti quell’omi stanchi, penciuloni, u stavanu à sente.  Era u so piecè.  Era capita chi tutte e sere aspettavanu quellu vechju.  Ellu a sapìa e cusì era cuntentu anch’ellu.

Una sera ne ghjunse unu chi venìa da più lontanu, da e perti di “e poghje” o di “l’erbitrone.  A ghjente u cunniscìa à schersu, ma fecìa cume s’ellu fussi di casa.   Principiò à parlà e ùn la finìa più.  U vechju stava zittu e mutu.  Fumava a so pippa e ogni tantu stupava in lu focu.  Parìa ch’ell’ùn s’avvidessi mancu chi quellu chjachjerutu era in traccia di taglialli a scicca.

Accant’à u vechju posava un zitellone chi u fighjava surpresu.  E poi li disse:  “Voi, sta sera ùn dite nunda?”  U vechjettu, chi parlava appena “strettu” cume i pumuntinchi, li rispose, mostrendu l’oratore:  “Aspettu ch’ellu stuppi.”

E cusì, à noialtri, quandu qualchissia c’infastidisce più o menu, ci vene in mente a risposta di u vechjettu chi venìa à veghja in casetta di Babbone.  Ancu si oghje a ghjente unn ha più cosa di stupà in la cendera, e si veghje, in casetta di Babbone e forse ancu in altrò, ùn si ne face più.


La veillée dans la maisonnette de la vigne

Les vignerons de cette époque lointaine, où se tenaient les veillées comme celle que je vais vous conter, ne connaissaient pratiquement rien de ce que nous appelons les commodités comme l’eau courante et l’électricité.  Leurs maisonnettes étaient petites, le plus souvent elles ne comprenaient qu’une seule pièce dans laquelle, la nuit venue, on étendait des paillasses, grands sacs rectangulaires remplis de feuilles de maïs séchées.  Sur un côté il y avait deux fentes par lesquelles on pouvait passer les bras pour répartir les feuilles qui avaient tendance à s’amasser dans les coins.  Mon grand-père et ses frères possédaient une maisonnette de deux pièces; il y avait “la salle”, grande, et une chambre où mon grand-père dormait dans un lit.  Son frère, celui qui piochait la vigne avec un ou deux journaliers, dormait sur la paillasse.  (Au village, il dormait dans un lit dont le bois était de bonne qualité, mais, pour toute literie il avait sa paillasse posée sur de larges planches).

Ces hommes laissaient leurs familles et se trouvaient presque tous seuls dans leur vigne pendant toute la semaine.  Piocher à longueur de journée une terre sèche, dure, rester penché sur elle pendant des heures en répétant les mêmes efforts, se casser les reins, personne de nos jours ne le ferait.  Mais on ne connaissait pas d’autre genre de vie, alors il fallait se résigner et se contenter de celui-là.

La plupart d’entre eux aimaient la compagnie.  Tous les soirs, après dîner, ils allaient passer un moment chez l’un ou chez l’autre, devant un feu de cheminée.

On venait volontiers à la veillée dans la maisonnette de mon grand-père.  Il était l’aîné de la famille et, en dehors des périodes où il fallait tailler la vigne, faire le vin et l’eau-de-vie, toutes choses qu’il réussissait mieux que personne, ses frères le déchargeaient des tâches les plus pénibles.  Il lui restait donc du temps pour chasser.  Il y passait parfois des journées entières et rapportait du gibier, lièvres et perdrix, qu’il cuisinait fort bien.  De la sorte chacun se trouvait bien.  Un journalier me dit un jour:  “Chez ton grand-père, on mange bien et en abondance!”  Et pour ceux qui venaient à la veillée, il ne manquait jamais ni vin, ni eau-de-vie.

Un petit vieux, dont la maisonnette voisine de la nôtre, se trouvait un peu en contrebas, près de la rivière, venait tous les soirs.  Il arrivait après dîner, ne buvait presque rien.  Il venait pour parler et il était intarissable!  On se régalait à l’entendre, car il avait un véritable talent de conteur, de l’esprit et de la malice.

Ces hommes fatigués, parfois somnolents, appréciaient un tel moment de détente.  Le conteur, lui, était heureux de son succès.  L’habitude fut prise:  on se réunissait chez l’hôte accueillant pour passer un bon moment avec le conteur.

Or, un soir arriva un homme qu’on ne voyait pas souvent parce qu’il habitait assez loin, sur un autre coteau.  On le connaissait à peine, mais lui se comporta comme un familier de la maison.  Il commença à parler, de tout et de rien, et il n’en finissait plus de donner son avis sur les sujets les plus divers.  Le vieux conteur restait muet.  Il fumait sa pipe et, de temps en temps, crachait dans la cheminée, l’air absent, comme s’il n’entendait pas un mot de l’insupportable bavard qui le réduisait au silence.  Son voisin, un jeune homme, n’en revenait pas de le voir comme ça.  Il se permit de lui demander:  “Vous, ce soir, vous ne dites rien?”  Le vieux répondit à mi-voix, avec son accent du Sud, un peu “serré”:  “Il va bien reprendre son souffle!”

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