La gazette pietrolaise
A Petra-di-Verde, u nostru paese
 

Une famille piétrolaise

Parmi les familles piétrolaises, il en est une qui, depuis trois siècles, a connu la renommée.  C’est la famille Pitti-Ferrandi.  De nombreux villageois d’aujourd’hui ont connu certains de ses représentants et tout particulièrement celui que tous nous appelions “u dottore Ferrandi”.


À Pietra, en effet, on les appelait couramment les Ferrandi, au point que les registres de l’état civil du 19è siècle portent indifféremment Ferrandi et Pitti-Ferrandi dans les actes qui y ont été enregistrés.  C’est ainsi que le premier sénateur de la famille, François-Marie Pitti-Ferrandi, né à Pietra le 22 février 1838 est inscrit sous le nom Ferrandi, alors que son frère, Antoine-Félix, né à Pietra le 7 février 1843, l’est sous le nom Pitti-Ferrandi.  Il en est de même pour d’autres membres de la famille.


Depuis au moins la première moitié du 18è siècle, la famille s’est illustrée dans la prêtrise et dans la médecine et surtout, pourrait-on dire, dans la politique.


Le chapitre de chanoines de l’évêque d’Aleria, en résidence à Cervioni, a compté parmi ses membres deux Ferrandi:  en 1736 Angelo-Pietro Ferrandi et quelque vingt années plus tard, Antonio-Felice Ferrandi.  À la même époque le “cavaliere Ferrandi” a joué un rôle important dans la lutte contre les génois et ses partisans et dans l’entourage de l’éphémère Roi Théodore.  Les mémoires de Sebastiano Costa, chancelier du Roi, sont à ce propos explicites.  En voici quelques passages (en français grâce à la traduction de Madame Renée Luciani):  “Le fils du gouverneur (génois) et commandant en chef envoie un escadron occuper un site qui confine à la pieve de Verde, du côté du levant, et lui donne pour chef M. Charles Cotoni assisté de plusieurs officiers génois.  Celui-ci, qui avait le plus de pratique et de connaissance du pays, voulut tout de suite donner une preuve de ses capacités.  Il tenta de pénétrer dans le territoire de la pieve de Verde pour y soumettre l’ensemble de la population; mais hardiesse et espoir s’éveillèrent au coeur de Tumasgiu Monti, homme de noble race et de courage peu ordinaire, lequel accourut promptement avec cinquante fusiliers qui, embusqués dans certains escarpements, firent une gaillarde réponse à l’attentat de l’ennemi qui dut se retirer sur ses positions antérieures.  Voyant qu’il était impossible d’avancer de ce côté-là, Charles Cotoni déploya son escadron et attaqua par un autre côté, mais, là aussi il rencontra soixante fusiliers de la Pietra, conduits par Luigi Ferrandi, aussi brave que Monti.”


Sebastiano Costa indique dans ses Mémoires que le Roi Théodore “élut chevaliers du premier ordre Tumasgiu Monti et Luigi Ferrandi, tous deux de Verde, et il leur donna bonne part des biens génois sis près des confins de cette pieve…”.  Il relate également la venue du Roi dans la pieve de Verde et l’accueil que lui réserva le chevalier Luigi Ferrandi:  “En arrivant à la rivière qui sépare le territoire de Campoloro de celui de Verde, vinrent à la rencontre du Roi tous les hommes de la Pietra  conduits par le Chevalier Ferrandi, commandant de toute la pieve.  Dès qu’ils aperçurent le Roi, ils tirèrent ensemble une salve, accompagnée de clameurs joyeuses et le Roi accueillit ce commandant, qu’il admit, avec d’autres sujets, à lui baiser la main, en leur accordant quelques instants d’entretien, pendant lesquels le Chevalier Ferrandi lui fit visiter les tranchées que l’on n’avait pas encore fini de creuser depuis que les troupes génoises, sous les ordres du fils du Gouverneur Pinelli, pénétrant dans le Campoloro, avaient tenté de surprendre les pieve de Verde et d’Alesani.  “Ici”, dit-il, “je fis front, avec tout mon peuple, à un escadron conduit par Charles Cotoni.  Ici, nous lui répliquâmes dignement.  Ici, nous tuâmes quantité de Génois.  L’ennemi progressa jusque-là, puis il fut repoussé et dut tourner le dos.  Je devrais louer plus d’un de mes compagnons que voici, qui se signalèrent particulièrement dans la bataille, mais, comme tous montrèrent de la valeur et de la bravoure au combat, pour ne priver personne de la louange qui lui est due, je déclare à votre Majesté qu’ils sont tous valeureux et fidèles à la Patrie, et je l’assure de leur fidèle obéissance.  Ils étaient tous impatients de venir avec moi rendre hommage à leur Roi et jouir de la gloire de l’escorter dans notre village, aussi pauvre d’argent que riche de fidélité et de loyauté envers son Souverain.”.  Sebastiano Costa ajoute que, parvenu à Pietra au mileu de ses partisans, le Roi s’est rendu dans la maison du Chevalier Luigi Ferrandi, située sur le rocher de Tozza.  (Quelques vieux Piétrolais se souviennent peut-être que ce point a été rappelé, au cours d’une conversation au café des Barghioni, par le docteur Pitti-Ferrandi, il y a une soixantaine d’années).




L’état civil nous apprend en outre qu’un docteur Marco-Antonio Pitti-Ferrandi est décédé à Pietra le 11 avril 1815.  A-t-il été le premier médecin de la famille?  Où a-t-il fait ses études de médecine?  Nous n’avons aucune indication à ce sujet.  À sa suite la famille a compté deux autres médecins.  Tous deux ont été sénateurs de la Corse.  Nous nous sommes procuré, par l’intermédiaire d’une descendante de la famille, Madame Serena Pitti-Ferrandi qui est haut-fonctionnaire au Sénat, les notices biographiques des deux sénateurs extraites du dictionnaire des parlementaires français 1889-1940.  Les voici:


Pitti-Ferrandi (François-Marie) né le 22 février 1838 à Pietra-di-Verde (Corse), mort le 9 mars 1894 à Paris (8è).

Sénateur de la Corse en 1894.


Après des études médicales à la Faculté de Paris, François-Marie Pitti-Ferrandi revint avec le titre de docteur exercer sa profession au lycée de Bastia où il avait passé de longues années comme élève.


Il partageait avec sa famille un goût naturel pour la politique.  D’abord conseiller municipal à Bastia, il fut élu conseiller général de la Corse pour son canton d’origine, celui de Corte, où il remplaça un de ses frères et fut remplacé par un autre en 1885.  Il conserva alors son siège au Conseil général, mais pour le canton de Muro, dans lequel sa femme était née.


Il fut candidat au Sénat à deux reprises, pour le siège laissé vacant par Corsi, décédé en 1889, puis pour le siège laissé vacant par le décès de Morelli.  Ce n’est que lors des élections sénatoriales du 7 janvier 1894, où il obtint 415 suffrages sur 747 votants, qu’il vit s’ouvrir les portes de la Haute Assemblée.  Elu sur une liste républicaine modérée, il s’inscrivit à la gauche républicaine.  Son mandat fut de courte durée:  Il mourut, en effet, subitement le 9 mars 1894, chez son ami Gavini, député de la Corse, au cours d’une soirée donnée par celui-ci.  Il était âgé de 56 ans.


Pitti-Ferrandi (François, Bonacorso, Charles, Dominique), né le 16 novembre 1876 à Bastia (Corse), décédé le 29 avril 1955 à Bastia.

Sénateur de la Corse de 1939 à 1945.


Né le 16 novembre 1876 d’une vieille famille corse, François Pitti-Ferrandi fit ses études de médecine à la faculté d’Aix-en-Provence.  Dès l’obtention de son doctorat, il entra dans les services de l’hygiène et contribua efficacement à l’essor de la politique d’hygiène sociale en France.


Ayant pris sa retraite avec le grade d’inspecteur départemental de l’hygiène, il mit alors son expérience au service de ses compatriotes et fut élu conseiller d’arrondissement de Pietra-di-Verde, le 10 octobre 1937.


L’année suivante il devait, dans son île natale, solliciter avec succès les suffrages des électeurs sénatoriaux lors du renouvellement partiel du  23 octobre 1938.  Candidat de la liste du parti républicain, il obtint dès le premier tour 433 suffrages sur 811 votants.


Son séjour au Palais du Luxembourg fut de très courte durée et la déclaration de guerre, puis la défaite, ne lui permirent pas de donner sa pleine mesure au sein de la Haute Assemblée.  Admis le 11 janvier 1939, il fit partie pendant la durée de son mandat électif des commissions de la législation civile et criminelle et des travaux publics; il n’appartint aux commissions de la marine et des comptes définitifs que pendant les premiers mois de 1940.


Depuis la fin du 19è siècle et jusqu’aux années 40 du 20è, le siège de conseiller général du canton de Verde a été détenu par Charles Pitti-Ferrandi, frère du docteur.  Après la deuxième guerre mondiale, un autre représentant de la famille, Marc Pitti-Ferrandi, neveu du docteur, fut conseiller général du canton jusqu’en 1955.


D’autres descendants des Pitti-Ferrandi de Pietra sont actuellement hauts fonctionnaires, universitaires, médecins ou juristes, mais ils n’ont plus de liens avec notre village, berceau de leur famille.



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